Congrès de Saint-Imier

Le Congrès de Saint-Imier qui s'est tenu les 15 et 16 septembre 1872 à Saint-Imier, dans le Jura suisse, a vu la fondation de l'Internationale anti-autoritaire par les anarchistes après l'éclatement de la Première Internationale, mettant un...



Catégories :

Histoire de l'anarchisme - Anarchisme

Le Congrès de Saint-Imier qui s'est tenu les 15 et 16 septembre 1872 à Saint-Imier, dans le Jura suisse, a vu la fondation de l'Internationale anti-autoritaire par les anarchistes (ou libertaires) après l'éclatement de la Première Internationale, mettant un point final au conflit qui opposait les socialistes dits «marxistes» conduits par Karl Marx, et les tendances «libertaires» qu'incarnaient Michel Bakounine ou James Guillaume.

Décidé au lendemain du congrès de La Haye (2-7 septembre 1872), au cours duquel une majorité des délégués de l'AIT avait voté l'exclusion de Bakounine et Guillaume, le congrès de Saint-Imier (15-16 septembre 1872) regroupa les fédérations de l'Internationale qui refusaient de reconnaître la politique menée par le Conseil général de Londres. Les délégués de trois fédérations dissidentes étaient présentes : six italiens (Andrea Costa, Cafiero, Malatesta, Nabruzzi, Fanelli, Bakounine), quatre espagnols (Morago, Marselau, Farga Pellicer et Alerini) et deux jurassiens (Guillaume et Schwitzguébel) auxquels viennent s'ajouter les deux représentants de diverses sections françaises (Camille Camet et Jean-Louis Pindy) mais aussi celui de sections américaines (Gustave Lefrançais) [1]'[2]. Ce congrès n'était pas particulièrement anarchiste. Les résolutions adoptées n'en résument pas moins les points essentiels des principes au nom desquels Bakounine et ses amis s'étaient battus contre ceux qu'ils désignaient comme «autoritaires».

Véritable charte de l'anarchisme ouvrier, ces considérants voient dans l'organisation et la résistance de la classe ouvrière, produit de l'antagonisme entre travail et capital, le terrain d'action privilégié pour préparer l'émancipation du prolétariat.

Résolutions

Première résolution

Considérant que l'autonomie et l'indépendance des fédérations et sections ouvrières sont la première condition à l'émancipation des travailleurs ; que tout pouvoir législatif et réglementaire accordé aux Congrès serait une négation flagrante de cette autonomie et de cette liberté, le congrès dénie habituellement le droit législatif à l'ensemble des congrès, soit généraux soit régionaux, ne leur reconnaissant d'autre mission que celle de mettre en présence les aspirations, besoins et idées du prolétariat des différentes localités ou pays, pour que leur harmonisation et leur unification s'y opèrentdans la mesure du possible. Mais dans aucun cas la majorité d'un congrès quelconque ne pourra imposer ses résolutions à la minorité.

Considérant d'autre part que l'institution du Conseil général dans l'Internationale est , par sa nature même est fatalement poussée à devenir une violation permanente de cette liberté qui doit être la base principale de notre grande Association ; considérant que les actes du Conseil général de Londres, qui vient d'être dissout, pendant ces trois dernières années, sont la preuve vivante du vice inhérent à cette institution; que, pour augmenter sa puissance en premier lieu particulièrement minime, il a eu recours aux intrigues, aux mensonges, aux calomnies les plus infâmes pour tenter de salir tous ceux qui ont osé le combattre; que pour arriver à l'accomplissement final de ses vues, il a préparé de longue main le congrès de La Haye, dont la majorité, artificiellement organisée, n'a bien entendu eu d'autre but que de faire triompher, dans l'Internationale, la domination d'un parti autoritaire, et que, pour atteindre ce but, elle n'a pas craint de fouler aux pieds toute décence et toute justice; qu'un tel congrès ne peut pas être l'expression du prolétariat des pays qui s'y sont fait représenter : le congrès des délégués des fédérations espagnole, italienne, jurassienne, américaine et française, réuni à Saint-Imier, déclare repousser totalement l'ensemble des résolutions du congrès de La Haye, et pour sauver et fortifier davantage l'unité de l'Internationale, les délégués ont jeté les bases d'un projet de pacte de solidarité entre ces fédérations.

Deuxième résolution

Considérant que la grande unité de l'Internationale est fondée non sur l'organisation artificielle, mais sur l'identité réelle des intérêts et des aspirations du prolétariat de l'ensemble des pays, les délégués réunis à ce congrès ont conclu, au nom de ces fédérations et sections, et sauf leur acceptation et confirmation définitives, un pacte d'amitié, de solidarité et de défense mutuelle. Ils proclament hautement que la conclusion de ce pacte a pour but principal le salut de cette grande unité de l'Internationale que l'ambition du parti autoritaire a mise en danger.

Troisième résolution

Considérant que vouloir imposer au prolétariat une ligne de conduite ou un programme politique uniforme, comme la voie unique qui puisse le conduire à son émancipation sociale, est une prétention aussi absurde que réactionnaire ; que nul n'a le droit de priver les fédérations et sections autonomes du droit incontestable de déterminer elles-mêmes et suivre la ligne de conduite politique qu'elles croiront la meilleure, et que toute tentative identique nous conduirait fatalement au plus révoltant dogmatisme ; que les aspirations du prolétariat ne peuvent avoir d'autre objet que l'établissement d'une organisation et d'une fédération économiques totalement libres, fondées sur le travail et l'égalité de tous et totalement indépendantes de tout gouvernement politique, et que cette organisation et cette fédération ne peuvent être que le résultat de l'action spontanée du prolétariat lui-même, des corps de métier et des communes autonomes; considérant que toute organisation de la domination au profit d'une classe et au détriment des masses, et que le prolétariat, s'il voulait s'emparer du pouvoir, deviendrait lui-même une classe dominante et exploiteuse : le congrès réuni à Saint-Imier déclare :

  1. ) que la destruction de tout pouvoir politique est le premier devoir du prolétariat;
  2. ) que toute organisation d'un pouvoir politique soi-disant provisoire et révolutionnaire pour amener cette destruction ne peut être qu'une tromperie qui plus est et serait aussi dangereuse pour le prolétariat que l'ensemble des gouvernements existant actuellement ;
  3. ) que, repoussant tout compromis pour arriver à l'accomplissement de la révolution sociale, les prolétaires de l'ensemble des pays doivent établir, en dehors de toute politique bourgeoise, la solidarité de l'action révolutionnaire.

Quatrième résolution

La liberté et le travail sont la base de la morale, de la force, de la vie et de la richesse de l'avenir. Mais le travail, s'il n'est pas librement organisé, devient oppressif et improductif pour le travailleur; et c'est pour cela que l'organisation du travail est la condition indispensable de la véritable et complète émancipation de l'ouvrier. Cependant, le travail ne peut s'exercer librement sans la possession des matières premières et de tout le capital social, et ne peut s'organiser si l'ouvrier, s'émancipant de la tyrannie politique et économique, ne conquiert le droit de se développer totalement dans toutes ses facultés. Tout État, c'est-à-dire tout gouvernement et toute administration des masses populaires, de haut en bas, étant obligatoirement fondé sur la bureaucratie, sur les armées, sur l'espionnage, sur le clergé, ne pourra jamais établir la société organisée sur le travail et sur la justice, puisque par la nature même de son organisme, il est poussé fatalement à opprimer celui-là ainsi qu'à nier celle-ci.

Suivant nous, l'ouvrier ne pourra jamais s'émanciper de l'oppression séculaire, si à ce corps absorbant et démoralisateur, il ne substitue la libre fédération de l'ensemble des groupes producteurs fondée sur la solidarité et sur l'égalité. En effet, en plusieurs lieux déjà on a tenté d'organiser le travail pour perfectionner la condition du prolétariat, mais la moindre amélioration a bientôt été absorbée par la classe privilégiée qui tente continuellement sans frein et sans limite, d'exploiter la classe ouvrière. Cependant, l'avantage de cette organisation est tel que, même dans l'état actuel des choses, on ne saurait y renoncer. Elle fait fraterniser toujours davantage le prolétariat dans la communauté des intérêts, elle l'exerce à la vie collective, elle le prépare pour la lutte suprême. Énormément plus, l'organisation libre et spontanée du travail étant celle qui doit se substituer à l'organisme privilégié et autoritaire de l'État politique, sera, une fois établie, la garantie permanente du maintien de l'organisme économique contre l'organisme politique.

Donc, laissant à la pratique de la révolution sociale les détails de l'organisation positive, nous entendons organiser et solidariser la résistance sur une large échelle. La grève est pour nous un moyen précieux de lutte, mais nous ne nous faisons aucune illusion sur ses résultats économiques. Nous l'acceptons comme un produit de l'antagonisme entre le travail et le capital, ayant obligatoirement pour conséquence de rendre les ouvriers de plus en plus conscients de l'abîme qui existe entre la bourgeoisie et le prolétariat, de fortifier l'organisation des travailleurs et de préparer, par le fait des simples luttes économiques, le prolétariat à la grande lutte révolutionnaire et définitive qui, détruisant tout privilège et toute distinction de classe, donnera à l'ouvrier le droit de jouir du produit intégral de son travail, et par là les moyens de développer dans la collectivité toute sa force intellectuelle, matérielle et morale.

La Commission propose au congrès de nommer une commission qui devra présenter, au prochain congrès, un projet d'organisation universelle de la résistance et des tableaux complets de la statistique du travail dans lesquels cette lutte puisera de la lumière. Elle recommande l'organisation espagnole comme la meilleure jusqu'à ce jour.

Voir aussi

Notes

  1. Arthur Lehning, introduction à Michel Bakounine, Œuvres Complètes, volume 3, Les Conflits dans l'Internationale, Ivrea, 1975.
  2. Jean Préposiet, Histoire de l'anarchisme, Tallandier, coll. «Approches», 2005 (ISBN 2847341900)

Recherche sur Google Images :



"Bureau"

L'image ci-contre est extraite du site quebecvacances.com

Il est possible que cette image soit réduite par rapport à l'originale. Elle est peut-être protégée par des droits d'auteur.

Voir l'image en taille réelle (320 x 240 - 23 ko - jpg)

Refaire la recherche sur Google Images

Recherche sur Amazone (livres) :




Ce texte est issu de l'encyclopédie Wikipedia. Vous pouvez consulter sa version originale dans cette encyclopédie à l'adresse http://fr.wikipedia.org/wiki/Congr%C3%A8s_de_Saint-Imier.
Voir la liste des contributeurs.
La version présentée ici à été extraite depuis cette source le 10/12/2009.
Ce texte est disponible sous les termes de la licence de documentation libre GNU (GFDL).
La liste des définitions proposées en tête de page est une sélection parmi les résultats obtenus à l'aide de la commande "define:" de Google.
Cette page fait partie du projet Wikibis.
Accueil Recherche Aller au contenuDébut page
ContactContact ImprimerImprimer liens d'évitement et raccourcis clavierAccessibilité
Aller au menu